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Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, quand le punk rencontre le grand amour...

Publié le par A.

Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, quand le punk rencontre le grand amour...

Qui aurait cru qu'une histoire d'amour racontée dans un livre puisse me prendre au passage et ne pas me lâcher, ou presque, avant son dénouement ? Tel fut le cas avec Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, paru chez Le Livre de Poche pour ma version.

Une fille qu'on rencontre en HP n'est pas une fille qui rend heureux. Il voulait jouer contre le reste du monde, avoir raison contre toutes les évidences, il pensait que c'était ça l'amour. Il voulait prendre ce risque, avec elle, et qu'ils arrivent sur l'autre rive, sains et saufs. Mais ils réussissent juste à s'entraîner au fond. Il est temps de renoncer...»

Gloria a été internée en hôpital psychiatrique. Contre toute attente, la punkette «prolo» y a rencontré Éric, un fils de bourgeois aussi infréquentable qu'elle ; ils se sont aimés comme on s'aime à seize ans.

Puis la vie, autant que les contraintes sociales, les a séparés. Vingt ans après, à nouveau, leurs chemins se croisent. Portrait d'une femme blessée aux prises avec ses démons, traversée des années punk, chronique d'un amour naufragé,Bye Bye Blondie est sans doute le livre le plus émouvant de Virginie Despentes.

Une histoire d'amour brute de décoffrage, ça il n'y a pas à redire. Virginie Despentes décrit avec brio un amour de jeunesse d'une jeune fille perdue dans sa tête, puisant son idéal de vie dans la mouvance punk des années 80. Perdue dans sa tête ? Il faut plutôt dire que Gloria est complètement détruite, et ça depuis son enfance.

C'est un peu un plaisir malsain pour le lecteur que de se prendre d'intérêt pour la vision de cette destruction d'une jeune fille. On déroule les pages avec l'envie de voir jusqu'où Gloria est prête à se perdre, à se tuer un peu plus suite à cette déception amoureuse annoncée dans la quatrième de couverture.

Puis, au fil de l'avancement de l'intrigue, c'est toujours un plaisir malsain que d'attendre le déclenchement de cette auto-destruction imbriquée dans l'être qu'est devenu Gloria alors qu'elle a dépassé la trentaine, de se demander si elle va réussir à avancer dans sa vie, dans ses sentiments. Parce que c'est une autre réussite de l'auteure : avoir su créer un personnage haut en couleur, qui se cache derrière une mouvance particulière pour sa jeunesse, qui se cache derrière ses excuses pour expliquer sa non-réussite dans sa vie sans jamais remettre en cause le fait qu'elle s'auto-détruit elle-même. Impulsive, incontrôlable mais d'une faiblesse extrêmement touchante, on s'attache rapidement à Gloria ce qui donne une force à ce bouquin.

Raconter une histoire d'amour est, pour moi, quelque chose de délicat parce que l'amour est un sentiment perceptible par chacun de différentes manières. Virginie Despentes a décidé de parler d'un amour cruel où les sentiments corroborent avec la folie de l'un des membres du couple tout en le mélangeant avec une difficulté supplémentaire qu'est la mixité sociale. Comment faire coexister les sentiments dans ce tel cocktail ? Tout est base de compromis, de compréhension, de persuasion. L'amour est un jeu délicieux mais ô combien difficile et c'est une ressenti que j'ai retrouvé à travers les mots de ce roman.

Cependant ce fût une lecture difficile à certains moments. Tout d'abord en raison du style. L'auteure a imprégné sa narration sur l'attitude de son héroïne. Attendez-vous à un style très brute, très violent, très franc. Les insultes fusent, la façon de parler est très directe sans aucune forme de retenue. Il faut s'y habituer. Tout comme l'environnement des pérégrinations ; qu'il est loin le temps des histoires d'amour avec les princesses et leur royaume féerique. Ici tout se passe à coup de bar-café du quartier dans le pur style franchouillard, mêlé avec la bonne bière et quelques drogues pour faire passer le tout. Ca peut paraître un peu dérangeant, ça l'est au début, mais c'est ce qui donne ce côté spécial très appréciable au livre.

Ensuite je dois dire que j'ai trouvé le roman très inégal dans son développement. Le début où l'on découvre Gloria était inintéressant, difficile à lire - mais peut-être est-ce à cause de la découverte du style et de l'environnement ? Puis le récit de l'enfance de Gloria et de son amour de jeunesse a été captivant, limite insuffisant puisque c'est réellement à ce moment qu'on découvre toutes les subtilités du personnage, de son attitude à sa psychologie. Ensuite il faut attendre les cinquante dernières pages pour retrouver un réel intérêt avec le développement des sentiments amoureux retrouvés et la complexité d'une telle relation pour le personnage auto-meurtrier qu'est Gloria.

Ne pas avoir assez développé la psychologie de l'héroïne tout au long du livre, mais seulement à certains passages, est une erreur. Cela saccade la lecture et a manqué, à quelques reprises, à me faire décrocher.

En conclusion, Bye Bye Blondie est un bon roman. Une histoire d'amour qui sort de l'ordinaire puisque après le dernier mot lu, on se pose certaines questions, on s'imagine la suite et ça c'est plaisant !

Du fait de l'univers punk - n'y connaissant pas grand chose j'ai été embarqué par sa description de la mouvance - et du caractère suicidaire de l'amour décrit, on se retrouve avec un livre plutôt spécial pour son genre mais qui nous prend dans son wagon et nous lâche aisément au terminus malgré quelques déconvenues sur le trajet. A la sortie de la gare, c'est limite si on n'en redemande pas un peu plus Madame Despentes !

Et pour le mot de la fin, voici deux citations qui, je trouve, résument bien le bouquin :

"Elle croyait s'en tirer, elle pensait comme une conne que l'amour la sauverait de tout, mais ses démons sont de retour, en pleine forme. Cette fois bien décidés à la laminer complètement." - page 220.

"Il voulait jouer contre le reste du monde, avoir raison contre toutes les évidences, il pensait que c'était ça, l'amour." - page 241.

A.

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